BANQUET XXXV – IL MONDO ESSAURITO

.

.

Photo © Théophile Calot

.

.

Banquet XXXV, Il mondo essaurito, servi à la française en ambigu, pour 60 convives à la Villa Benkemoun à Arles

Commanditaire : Brigitte Benkemoun

Banquet réalisé avec Théophile Calot.

.

.

Œuf, anchois fumé & câpres

Ajo blanco & raisins blancs

« Ama » ventrèche de thon en feuilles de figuier 

Brandade de muge

Artichauts farcis à la romaine 

Mozzarella a treccia & anchois

Salade russe octobre 2021

Dernières tomates & vanille

Ricotta infornata & herbes

Tomates farcies aux légumes 

Caviar d’aubergines blanches, figuier 

Fromages 

Fruits de saison 

Riz au lait 

Torta Fedora 

Torta diplomatica

Tartes aux fruits d’automne

Tartes aux noisettes

Tartes au citron de Menton

Pains, vins & eau

.

.

Cinquante années séparent le projet architectural de cette villa et le projet de ce banquet. Un demi-siècle qui a fait advenir un des plus grands changements de paradigme sur la représentation de notre monde : le passage d’un monde inépuisable à un monde épuisé. 

La villa a été projetée et construite dans un monde encore pensé comme inépuisable, tandis que le banquet où nous nous tenons aujourd’hui a lieu dans un monde épuisé. C’est ce mouvement que nous essayons d’éprouver et de célébrer. Être dans un monde épuisé, signifie qu’il faille s’y tenir autrement et qu’il faille conjecturer autrement notre futur. Mais l’épuisement n’empêche en rien la célébration. 

Dans une autre villa, 180 ans avant que ne soit projetée la villa Benkemoun, Giandomenico Tiepolo (1727-1804), recouvrait les murs de la villa Zianigo d’étranges fresques représentant les aventures de Polichinelle. L’une des plus spectaculaires fresques de cet ensemble est celle intitulée Mondo nuovo, le « nouveau monde ». Nous n’y voyons que des êtres de dos, accaparés à regarder une boîte magique d’où sortent des images du nouveau monde, d’où sortent les images qui ne cessent d’affirmer l’inépuisabilité du monde. Nous sommes passés d’un mondo nuovo, un monde nouveau à un mondo esaurito, un monde épuisé. 

Or nous sommes toujours accaparés à regarder des images, parce que les images ont le défaut majeur de faire croire que le monde ne s’épuise pas, qu’il ne cesse de se laisser appréhender et de se laisser saisir de sorte que nous pensions son inépuisement, de sorte que nous pensions avoir toujours la possibilité de tout saisir. 

Les murs de la villa Benkemoun ne sont pas recouverts de fresques qui montreraient un monde nouveau, mais elles accueillent simplement un tirage de l’artiste Marc Buchy, intitulé Conditionel Présent : il s’agit de l’image d’une main où a été réalisée une scarification qui prolonge une ligne de la main comme une sorte de pari étrange qui viendrait jouer avec la chiromancie et qui viendrait jouer avec le futur. Notre présent contient tant de conditions qu’il nous faut penser pour que nous puissions garantir la possibilité d’un futur. C’est cela qu’il nous faut lire, la conditionnaliaté de notre présent, pour que nous puissions saisir ce qu’il reste dans le présent que nous partageons.

Le banquet XXXV, il mondo esaurito, est une célébration de ce qu’il nous reste à partager dans la mesure d’un regard que nous portons sur ce que nous avons imposé au monde, sur notre manière de regarder les images et notre capacité à saisir ce qu’il reste de l’état du monde. 

.

.

.

.

Avec une œuvre de Marc Buchy, Conditionnel présent, 2019

processus, documentation photographique.

Présentée sous la forme d’une documentation photographique, l’œuvre Conditionnel Présent consiste à prolonger la ligne de vie de la main d’un volontaire par une incision. Pour l’artiste, « l’idée n’est plus de rajouter une image qui disparait, mais un geste de scarification, à savoir prolonger d’un coup de scalpel la ligne de vie sur une main ». Par cet acte, il mélange la chiromancie (prédiction de l’avenir à travers les lignes de la main) et l’idée d’un futur hypothéqué sur un présent catastrophique et incertain. Elle indique l’idée d’une manipulation du vivant de sorte que nos modes de lectures persitent à croire que le futur sera comme nous l’avons projeté.

 

.

.